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02/04/2014

Sur le toit du monde



Un deux trois... Froid!
Si je prends mon stylo aujourd'hui c'est pour te raconter la folle ascension dans laquelle je me suis lancée le weekend dernier: Le Piton des Neiges.
Et c'est avec fierté que je me présente, là devant toi, après être grimpée sur ce monstre de 3070.50 mètres.
Oui! le moindre demi mètre est important; je tiens à être précise quand à l'ampleur de ce défi que j'ai relevé, de ce défi qui a traumatisé mon esprit tout entier.



Tout est parti d'une proposition tout à fait amicale. Il restait une place dans un groupe de fous, et j'ai dit "ok".
Sauf qu'après bin.. j'ai commencé à me renseigner. Donc 3070.50 mètres euh... ok....randonnée difficile, ok...départ à 1300 mètres ok...randonnée de 8kms....rgloups...ok, dénivelé positif, 1600 mètres gllllloups...euh... il faut que je me prépare un peu nan?



C'est comme ça que la pression s'est tranquillement installée; j'ai donc rapproché les séances de footing, de piscine, tout ce qui pouvait m'aider; j'ai allégé les repas, arrêté le chocolat et me suis mise au soja.
De temps en temps j'osais demander à (ce que je pensais être) des amis, s'ils l'avaient déjà fait et comment c'était.
Leur réponse: un long silence....
Pendant deux semaines le stress m'a transporté, et la date fatidique est arrivée.


LE PENDANT:

C'était un vendredi soiiiiir, tout était noiiiir...
A 23h30 exactement, j'ai rencontré les personnes, non , les criminels qui m'avaient embarquée dans ce suicide collectif.
Sauf que eux, ils étaient super équipés, super entraînés, super détendus.
Mais c'était pas grave, malgré un sourire légèrement crispé, je n'ai montré aucun signe de faiblesse.
Et ils semblaient tous être tombés dans le panneau. "si je marche? ouiiiiii", "si je suis prête? évidemment.."
On avait un guide animateur perso; Max, l'un des amis de la bande. Il avait l'air de connaître les sentiers comme sa poche, et en plus il était marrant.
Sauf quand il nous a expliqué:
"La rando se décompose en trois temps!" (Woooooooow: 3!)
"1ere phase, ce sera facile, petit dénivelé tranquille en déroulé (ça veut dire pas d'escalier) pour arriver à la cabane, on en aura pour 1h", "la deuxième phase à partir de la cabane, là ça grimpe, vous allez avoir chaud aux cuisses, 1h30"; il nous montre la carte à l'entrée du parcours sur laquelle est dessinée un petite flamme au niveau de la cabane. Tout le monde rit nerveusement. "Ensuite, on s'arrête une heure max au gîte, et on commence à grimper le Piton!". Quooooi? mais le Piton ça commence qu'à ce moment là? ("j'ai bien fait de m'entraîner...""C'est pas de mon niveau ce truc."" En plus il fait tout noir..et si on se perd?t'as des piles de rechange pour ta frontale toi?")
Le temps de prendre un petite photo de groupe tant que tout le monde va bien et hop!



"Les premiers mètres sont toujours un peu difficiles, surtout à cette altitude; le temps que le corps, la respiration, s'adaptent à l'air qui se fait un peu plus pauvre". Ca c'est ce que les gars disaient. Mais mon corps, ma respiration, ne se sont pas adaptés, pas à un seul moment, jamais!
Mais tout de même, je l'ai fait! et j'ai même pas été ridicule: 4h30 pour monter tout tout tout en haut! et admirer cette vue à couper le souffle (contre les 6h annoncées).
Et sur le chemin, un tableau rempli d'étoiles... à pleurer toute les larmes de ton corps.










En haut ça caille! Pas loin des 5°; penses à prendre un joli bonnet et des gants très chauds si tu prévois cette rando ! Oui même à la Réunion, tu peux en avoir besoin; et j'irai même plus loin, prends ton manteau de ski! oui ouiiiii, le mien m'a sauvé la vie.
D'en haut on voit tout! Mafate, Cilaos (d'où on vient), le Volcan, la plaine, le Col du Taïbit, le Maïdo... Magnifique. Et le soleil pointe le bout de son nez: retour langoureux de la sensation de chaleur. Il paraît que lorsqu'il fait super super beau on peut voir l'île Maurice!


Sinon, y a un moment où il faut redescendre du petit nuage... et du Piton surtout!
Aïe Aïe Aaaaaaaïe!! Il était là le moment du ridicule, le moment où j'ai cru que j'avançais à chaque pas vers un handicap irrémédiable, le moment où je faisais moins la maline et où les autres se sont rendus compte de la supercherie.


Je l'ai quand même pris avec le sourire. J'avais réussi à monter sur le plus haut sommet de l'océan indien, sur le toit d'un monde. Comme dans une bulle remplie de liquide euphorisant, je descendais. La fatigue et la douleur me poussaient dans des excès clownesques, pour le plus grand plaisir de ma coéquipière, mA' dèle, qui m'a supporté pendant ces 4 heures et demi de torture.
La fin semblait toujours proche mais la réalité était bien différente. Plus fortes et soudées que jamais, nous avons franchi la ligne d'arrivée ensemble et je ne la remercierai jamais assez d'avoir été là; ma sécurité morale ne tenait plus qu'à un fil; elle était ce fil! MERCI! Oh oui MERCI MERCI!


L'APRES PITON:

(Ca c'est le gîte du paradis pour après, pour le moment du coma post massacre musculaire, le moment goinfrerie aussi)


Et puis sinon l'après, bin...t'as mal, t'es fatigué, tu t'en remets pas, complètement à plat, raplaplat, raplaplaplaplat! pendant des jours...
Mais tu es surtout super fière! 


Si t'es cool je suis prête à le refaire rien qu'avec toi, rien que pour toi!! Faut que tu vois ça!